Asphodèle

Photographie par Hideki Sugimoto

Moments extrêmes,

Où tout se confond dans ma tête,

L’impression de n’être qu’une bouillie de cerveau dans laquelle tout se brouille,

Pelotes de laine psychiques, toutes emmêlées sur les confusions chaotiques de ma prison.

Moments revenant inlassablement dans ma vie où je deviens transparente,

Traversée par tout ce qui m’entoure,

Par le vent, la lumière, les senteurs, les sons.

Ma peau tout entière se met à voir, à entendre, à sentir,

Extase profonde, intense, sens exacerbés.

Danse des feuilles soulevées par une brise d’automne,

Rugissement de l’océan frappant les rochers de la jetée,

Ecorchée vive, nue, sans défense.

Pénétrée par tout ce qui vous entoure,

Par vos sensations,

Par vos sentiments à l’état brut,

Par vos mots effilés comme des couperets,

Tristesse, mélancolie, beauté tout cela à la fois.

Je disparais avec ce qui m’entoure,

Touchée, emportée, soulevée, enflammée, exacerbée.

Crises effrayantes, comme un puits qui m’éloigne de la réalité.

M’aspirant de l’intérieur, m’asphyxiant au moindre effort,

Je perds pied.

Bernard-l’hermite enfouis dans sa coquille, tout au fond, je serais éblouie par tous mes sens si je venais à sortir la tête à l’extérieur.

Je ne suis pas ici, pas dans ma vie.

Je suis coincée derrière une vitre, dans un musée, sur une toile, une photographie.

Et je vous observe.

Avec attention, curiosité mais détachement aussi, propre à la découverte d’un monde inconnu et dans lequel il m’est impossible de m’abandonner, la différence est là.

Alien perdue dans un monde que je ne comprends pas et ne peux pas comprendre.

La solitude et cette désespérance à se trouver.

Enfermés dans nos corps,

Esclaves de nos désirs.

Déchirée entre l’image que j’essaie d’appréhender de ce qui m’enserre et leurs réalités trop brutes.

Je suis comme une âme perdue, traversant le Styx, qui erre dans un dédale de limbes.

Je ne sais comment faire pour vivre comme les autres, pour ressentir comme les autres.

Où est l’issue ?

Texte : Marie M.

Photographie : Hideki Sugimoto